Toulouse

Les deux Foscari de Giuseppe Verdi

Surprise et découverte magnifiques !

 

Le doge Francesco Foscari demeura à la tête de la République aristocratique de Venise trente quatre ans. Son superbe monument funéraire en l’Église Santa Maria dei Frari de la ville, évoque gloire et son importance dans la lignée des souverains vénitiens.

D’autres témoignages picturaux   rappellent que le personnage eut un règne tourmenté. En effet élu pour ses qualités d’homme d’action et  il fut élu alors qu’une autre famille, celle des Loredano comptait prendre la place.

 

La jalousie et la rancœur de Loredano empoisonna son règne et rejaillit sur son fils Jacopo qui fut condamné à l’exil à vie en Crète pour avoir été déclaré-sans preuve- meurtrier de Donato. Ce ne fut que plusieurs années après que le véritable assassin avoua son forfait.  Alors, hélas le fils du Doge Foscari Jacopo mourut en son exil. Enfin sans doute las de le voir sur le trône depuis si longtemps le Sénat finit par exiger la démission à la suite d’absences au Conseil pour motif d’ennuis de santé.

Le livret  que Francesco Maria Piave tira de la pièce de Lord Byron datant de 1821, suit à quelques variantes près l’histoire originale. Le personnage de Lucrezia Contarini épouse de Jacopo Foscari  prend une position dominante  en équilibre avec les rôles des deux hommes.

Proposé au théâtre de la Fenice à Venise par Verdi, l’œuvre fut créée au théâtre Argentina à Rome en 1844 .On ne saisit pas très bien les raisons de la quasi disparition de cet opéra des grandes scènes lyriques depuis son succès à la création la même année qu’Ernani à Venise.

L’œuvre possède pour l’amateur de beau chant toutes les qualités. Ramassée sur deux heures plus entracte elle possède l’élan et la puissance évocatrice des drames sans retour et sans chichi des chefs d’oeuves.

Le sujet d’un mâle énergie laisse la place à la tragédie intime de l’épouse torturée par un drame devant lequel son amour conjugal demeure impuissant.

Reconnaissons que par rapport à l’avancée géniale de Nabucco qui demeure tout de même le premier du style caractéristique de  Verdi, I due Foscari  se tient proche des drames romantiques et belcantiste de Donizetti et Bellini. Surtout en raison de la Caste vocale exigée par la partition.

Le Capitole de Toulouse, par bonheur, ayant offert  un somptueux  tribut au centenaire verdien l’année passée avec un Don Carlos de légende,  mettait l’œuvre au programme de cette saison.

Et voici une réalisation absolument sans une ombre. L’ensemble de la représentation apparaît comme idéale tant sur le plan musical que scénique.

La mise en scène  entre les mains de Stefano Vizioli permet aux chanteurs une  expression  d’une  aisance naturelle et déliée favorisant un chant au plus haut niveau. Le décor  de Cristian Taraborelli   d’une ample et sombre  austérité, se  campe par une tête de doge géante, pivotante, aux joues de laquelle des degrés déclinent un escalier en corbeille ou simple selon la scène, permettant les mouvements de l’action. Les costumes réalisés à l’authentique sortent des fresques de Tiepolo, ce style authentique de Venise en sa période solaire de la Renaissance. Les mouvements de personnages et leur gestique semblent mesurés à la partition musicale avec un sens de l’harmonie gestuelle idéal.

Au pupitre le très dynamique Gian Luigi Gelmetti enflamme cette partition d’une facture rayonnante et tragique. Sa battue précise et soutenue apporte  confort et assurance   aux chanteurs sans qu’il en oublie les élans passionnels que l’orchestre doit accomplir dans les passages symphoniques. Beaucoup de soin dans le travail avec les solis d’orchestre et un choix permanent pour la clarté et la luminosité de la masse sonore.

Mais indéniablement ce qui fait le bonheur parfait de cette interprétation tient à l’excellence des chanteurs et à leur capacité professionnelle de chanter ensemble.

Pas un écart, pas une seule ne faille dans le déroulement des échanges entre les acteurs. On assiste à un déroulement imparable des événement qui vous prennent au corps, à l’âme, aux larmes et parfois vous coupe la respiration tant l’intensité de l’émotion est forte.

Le roumain Sebastien Catana  campe un Doge Francesco Foscari de caractère torturé, versatile et profondément douloureux animé  tout d’abord d’un courage velléitaire puis d’une fatale impuissance. La voix se plie à des intonations tantôt coléreuses et  virulentes tantôt plaintives, alanguies…La scène de rencontre avec sa belle fille Lucrezia Contarini le montre à l’extrême du supportable pour lui.Et pourtant le grain du timbre, la gaine vocale chaleureuse comme la musicalité instrumentale de la voix s’entend en filigrane.

Le ténor Aquiles Machado. Doté d’uneéclatante jeunesseet d’un sens du tragique inné il rend grâce à ce  rôle tendu, d’un intense et vibrant lyrisme, du fils Jacopo Foscari. La quinte aigue glorieuse et dominatrice, le souffle d’une tenue impeccable, et il a acquis cette maitrise élégante des fortissimi que seuls les ténors intelligents acquièrent avec le travail bien compris. Que l’avenir lui apporte des engagements dans sa tessiture et à la mesure de son puissant caractère  est notre vœu ! Il est digne des plus grands rôles verdiens et le public ne s’y est pas trompé en lui faisant une ovation.

Ovation partagée avec  la Lucrezia Contarini de Tamara Wilson. [1]Étonnante voix de soprano lyrique et dramatique d’une amplitude qui semble illimitée tant l’aisance et la puissance de son chant passe l’orchestre avec aisance et amplitude. Elle donne de cette épouse crucifiée une image noble et bouleversante et son chant vocalement incomparable possède la puissante d’évocation et d’invocation de ce rôle fortement apparenté aux héroïnes du bel canto et déjà orienté vers un caractère marqué de sombre romantisme. Par certains signes et quelques attitude vocalement enflammées alors que l’imposante silhouette demeure hiératique elle me rappelle J. Sutherland.

Pour les autres rôles :dont  Leonardo Neiva en Loredano , Francisco Corujo en Berbarigo et Anaïs Constans en Pisana , tous trois ont accompli leur prestation avec talent et des voix harmonieuses donnant à espérer les entendre à nouveau .

 Les chœurs et l’Orchestre du Capitole de Toulouse sont toujours  au meilleur de leur talent. Cet écrin indispensable à toute représentation réussie ne manque jamais à Toulouse. La retransmission sur Radio Classique du 23 mai ayant largement  permis de se rendre compte de la qualité sans reproche de cette représentation.

Les deux Foscari I due Foscari revenant sur la scène du Capitole augure je l’espère de programmation un peu plus aérée sur d’autres scènes nationales.

Amalthée

 

 

 

 



[1] Premier grand prix au concours Francisco Vinás à Barcelone Souvenons nous de sa Leonora du Trouvère en 2012.

 

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Hélène Cadouin
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