Francis Poulenc

Nous avons tant espéré. Serait-ce en vain?

Les voies du Seigneur sont impénétrables.

Du Seigneur? Dites plutôt du Destin! 

Il en écrivit le livret et en composa la musique. Dialogues des Carmélites est l’opéra du XX e siècle le plus classique, un héritage et une fenêtre sur l’avenir. Depuis sa création en 1957 à la Scala de Milan en italien on ne le joue plus qu’en français. Une œuvre à la fois poétique et philosophique à laquelle nous sommes presque tous liés par notre besoin de croire en la transcendance de soi et du monde matériel qui nous assaille sans cesse.

Toulouse remettait l’œuvre à notre regard et à notre écoute en cette fin d’année si chahutée et si difficile. Un moment de paix et de réflexion que le public a beaucoup apprécié.

En 1794 onze jours avant la chute et la mort[1][2] du Tiran sanguinaire Maximilien de Robespierre  le 28 juillet 1794, les Carmélites de Compiègne montaient à l’échafaud accusées de tous les maux.

Toutes sauf une Mère Marie de l’Incarnation personne sévère animée d’une foi sans concession qui , absente le jour de l’arrestation, parvint à se cacher durant la fin de la terrible période. Réintégrant son couvent  elle fit un récit des dernières années et surtout des mois et jours ayant précédé la tragédie.

Gertrude von Lefort s’en empara pour écrire la Nouvelle La dernière à l’échafaud.

Une vingtaine d’années plus tard Francis Poulenc , compositeur plutôt allègre[3] voir même gaillard, comme le diable se fait Hermite, ayant retrouvé le chemin d’une vie spirituelle plus consistante compose successivement les Litanies à la Vierge noire de Rocamadour(lot) ,une messe et Quatre sonnets pour un temps de pénitence. 

Membre d’une famille très à l’aise [4], Francis Poulenc pianiste de grand talent, a toujours eu la liberté de composer pour édifier une œuvre à sa mesure. Son inspiration et ses goûts comme son instinct d’une musique possédant un certaine carrure lui firent apprendre ,  suivre sa voie en toute liberté et avec la conscience d’être capable de clore une période post romantique en innovant à sa manière, un lyrisme solide et aisément mémorisable, une architecture orchestrale ample et souple pouvant atteindre des moments magistraux dans la lignée de Wagner.

À la fin de la guerre Georges Bernanos reprend le texte de Gertrude von Lefort  . Il intéresse  Jacques Hebertot  qui en tire une pièce Dialogues des Carmélites qui se joue au Théâtre des Arts en 1953. Le poète italien Flavio Testi en tire un livret en Italien, que l’éditeur Ricordi à Milan propose à Poulenc après le refus de    ce dernier d’une composition d’un ballet sur le sujet de Marguerite de Cortone.

Dialogues des Carmélites sera créé à Milan à la Scala en italien avec Leyla Gencer en Madame Lidoine. Janvier 1957

La création à  Paris en Juillet de la même année, vit Régine Crespin en Madame Lidoine et Denise Charley en Madame de Croissy première Prieure. 

Ainsi notre vision de cet opéra est très construite sur le plan historique de l’œuvre. On ne compte pas les productions des Dialogues et nombre de mélomanes ont eu la possibilité de voir deux à trois productions ces trente dernières années.

Olivier Py [5]avait déjà donné sa mise en scène pour Bruxelles et le Théâtre des Champs Élysées. Les décors de Pierre André Weitz ont eu quelque mal à trouver place sur la scène du Capitole. L a mise en scène est apparue comme limitée d’autant que la distribution toulousaine a laissé à désirer pour certains rôles. En particulier celui de la première Prieure, Madame de Croissy pour laquelle Janina Baechle   assume péniblement sa partition . La voix manque de couleur, la présence physique outrée, la technique vocale très approximative  porte l’expression de l’agonie  torturée avec tant de difficulté de justesse , que l’ennui vous étreint et que l’on souhaite que la dame s’efface du paysage !

Dommage car ce moment , essentiel tournant du drame est un des points les plus beaux de toute l’œuvre.

Madame Lidoine la seconde Prieure confiée à Catherine Hunold a plus d’allure vocale et son expression comme sa conduite du rôle sont  en place, la voix agréable est bien conduite.

Anaik Morel tente d’imprimer une personnalité de caractère à Sœur Marie de l’Incarnation . Aucun reproche sur le plan musical, les notes y sont comme le chant. Mais  le timbre dénué de trempe-qui nous rendra une Martine Dupuy dans cette partie ? et l’expression trop neutre la rendent peu crédible dans ce troisième personnage essentiel de la pièce.

Avec Jodie Devos  nous retrouvons une Sœur Constance dans la veine de l’atmosphère dramatique attendue. Sa  vivacité et la prestance de sa voix font merveille .

Anaïs Constant compose Blanche de la Force avec pertinence . Nuancée et convainquant sur le plan vocal,  elle assume les transports d’humeur et les angoisses de son personnage avec la grâce et le  naturel d’une actrice authentique.La jolie Toulousaine déjà très remarquée aux Folies Lyriques de Montpellier chantera Marie dans la Fille du Régiment  à l’opéra du Grand Avignon les 17 et 19 janvier . Une opportunité heureuse de rencontrer dans ce rôle si valorisant et très en vue cette artiste au naturel séduisant et attachant à la fois.

Jean François Lapointe est remarquable en Marquis de la Force. Noblesse d’âme et de ton affligée et fière. Son amour des choses heureuses et des êtres transparait sous une   une tristesse irréversible qu’il tente de dissimuler et son ton, sa diction sont empreints d’un désir d’adieu au monde absolu. Thomas Bettinger comme son nom ne le laisse pas deviner ce très beau ténor à l’allure de prince russe est français. Excellent ! Un Chevalier  dans toute sa gravité et sa pudeur. La voix au timbre de caractère est gainée, souple bien conduite elle atteint les notes hautes apparemment sans effort et avec limpidité. Le ton juste, la prosodie soignée sans affectation. Le regard et l’allure en scène campent le personnage avec force et naturel. Un chant musical nuancé et bien rythmé ,digne de l’instrumentiste qu’il est( il a débuté ses études musicale avec la clarinette).

Voici  un espoir de taille majeure pour le chant français d’opéra. Il nous attend à son écoute à Marseille en Février 11/13/16/20 dans Eugène Onéguine. Le voyage est à faire absolument.

Je comprends mal que la direction d’orchestre ait été confiée à Jean François Verdier chef de renommée assez moyenne pour un tel chef d’œuvre ! Le dosage de la masse sonore manque d’équilibre et l’accompagnement des chanteurs plat.

La scène finale dans la mise en scène d’ Olivier Py s’est révélée magnifique. Ce qui est l’essentiel pour demeurer sur une bonne impression.

Nous avons eu la révélation  de deux excellents chanteurs d’avenir , ce qui est  une belle et essentielle joie pour ce spectacle de fin d’année.

Amalthée

 

 



[1] Hautement méritée

 

[2]

[3] Il fut surnommé le“ moine voyou“

[4] son père fonda les laboratoires Poulenc(Rhône Poulenc)

[5] Actuel directeur du Festival d’Avignon

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Hélène Cadouin
dite "AMALTHÉE"

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