L ‘ apothéose de la divine Anna Netrebko

 

 Le Trouvère de Giuseppe Verdi

 L’émission Passage des Arts sur la 5 nous présentait en direct de l’Arène de Vérone ( Vénétie Italie) , Le Trouvère de Verdi livret de Salvatore Camarano et Leone Emanuele Bardare. L’origine  en est  la pièce espagnole El Trovador de 1836 de Antonio Garcia Guiterez.

Un drame sombre, épais , par moment  pathologique et démesuré, voire débordant  pour lequel Giuseppe Verdi acheta un dictionnaire d’espagnol afin de lire ce drame connaissant un vrai succès. Et d’en donner après lecture , la matière à son ami et librettiste Camarano alors très malade[1] que  Bardare qui le termina.

Le succès fut immédiat dès la création  et les représentations au théâtre Apollo de Rome en 1853 (19 Janvier). La création en France eut lieu en 1857.

 L’ arène de Vérone reçoit depuis 1913 des représentations d’opéras dans des conditions de fêtes estivales populaires . L’Italie aime les circuits automobiles, les courses cyclistes, elle a eu Fausto Copi! Et  elle demeure la terre d’élection pour  tous les arts et aujourd’hui comme au 19e siècle  l’opéra en particulier cher aux élites , aux gens fortunés comme au peuple italien toutes classes sociales et d’âges confondues.

Et, si Florence a vu naître le premier opéra de tous les temps en 1600 et si Mantoue  fut la patrie de Monterverdi, Vérone demeure l’endroit où les plus distingués mélomanes comme les amoureux

Construite en 30 après J.C l’Arena [2] témoigne de la présence de l’empire romain et de sa progression vers les pays alpins.  Comme tous les témoignages architecturaux encore visibles à Descenzano, Sirmione (Bords du Lac de Garde) , autres villes et lieux du nord de l’Italie.

 

Chef d’orchestres et  metteurs en scène Italiens et étrangers , ont eu le bonheur de cette expérience superbe . Les   talents et les imaginations ont été de tous temps  applaudis ici. Vérone d’autres part est la ville de Romeo et Juliette le fameux drame de William Shakespeare.

La scène 110 mètres , les gradins qui semblent rejoindre le ciel , l’ambiance des débuts de représentations avec les bougies individuelles allumées ont caractérisé ce lieu.

L’Arène de Vérone  est  propice au cinéma, aux créations  fastueuses , aux déploiement de fastes exceptionnels que certaines oeuvres réclament.

 Cet héritage “romains“ des jeux du cirque conserve au travers des millénaires son efficacité, son pouvoir de rassemblement et de partage de patrimoines musicaux et lyriques.

 Maria Callas y a chanté à ses débuts  comme Luciano Pavarotti, Placido Domingo y fêtera ses cinquante ans de carrière le 4 août devant un parterre de “paparazzi “tous azimuts.

La tradition veut que Aïda , l’ opéra mythique de Verdi créé pour l’inauguration de l’opéra du Caire y soit chaque année au programme. Une mise en scène reprenant celle de la création lors des débuts de l’arène  en 1913  y a une place de première grandeur . Cette année 2019 le festival a fêté lors de la Première la 700 ème représentation de cette production d’Aïda.

La programmation cette année outre Aïda et le Trouvère présente La Traviata de Verdi   et Carmen de Bizet .

 22.000 spectateurs une acoustique exemplaire. Les Italiens vouent aux Arènes un véritable culte et l’Allemagne mélomane descend par le Brenner et les autoroutes transalpines en car, en avion et en train pour assister à une ou plusieurs représentations.Les français se comptent , mais les fidèles y retournent très souvent.

Je me souviens de séjours délicieux dans la province de la Vénétie dont les paysages sont absolument incomparables. Le Lac de Garde offre un séjour rafraîchissant pour les festivaliers et l’hôtellerie est très bien organisée pour les séjours qu’ils soient de longue ou de courte durée.

 

Le Trouvère de Giuseppe Verdi  , retrace l’histoire de deux frères ,fils du Comte de Luna dont

l ‘un des deux fut jeté dans le feu par la fille Azucena d’une gitane torturée et brûlée vive à l’instigation de ce comte. La mère en mourant et apparaissant dans les songes d’Azucena a demandé d’être vengée.

Vingt ans après on découvre qu’ Azucena en réalité a jeté son propre enfant dans les flamme au lieu du“noble“ bébé et que le Trouvère Manrico est le frère du Comte de Luna fils du Comte précédant, tout aussi peu aimé que son père. Dans les relations du Comte la dame d’honneur de  la Princesse d’Aragon se nomme Leonora . C’est elle que Luna veut à toute force épouser, contre son gré. Or Manrico et Leonora se sont promis l’un à l’autre. Il s’en suit une haine et des évènements d’une violence ahurissante et déferlante qui aboutissent au suicide de Leonora et de  Azucena et à la mort de Manrico tué sans jugement par Luna.

 

Le célèbre Arturo Toscanini en a dit: Pour  monter le Trouvère“  il suffit de réunir les quatre plus grands chanteurs du monde.

La soirée de samedi  comble un vide dans le paysage audiovisuel français. Certes on se demande  qui choisit le programme et sur quels critères. On regrette dans le même temps que le Guillaume Tell   De Rossini donné dans sa version originale en français au   Théâtre romain d’Orange n’ait pas trouvé preneur alors qu’il a fallu ingurgiter en direct du même lieu l’année dernière un Barbier de Séville mal chanté dans une production insane.

 

Il Trovatore : Le Trouvère

Avec le couple Anna Netrebko (Leonora) Yousif Eyvazov( Manrico la soirée s’annonçait de haut niveau. Vinrent leur apporter la réplique. Alberto Gazale en Comte de Luna et   Dolora Zajick  Azucena ,Riccardo Fassi en Ferrando et Elisabetta Zizzo en Inès.

Sous la direction musicale de Pier Giorgio Morandi

Dans une mise en scène de Franco Zeffirelli des costumes de Raimonda Gaetani. Vito Lombardi pour les Choeurs. L’orchestre et les choeurs réunis à cet effet pour l’Arène de Vérone comme pour chaque saison.

 Pour les connaisseurs, les admirateurs inconditionnels ou occasionnels comme pour le public ce Trouvère fut un magnifique évènement, Il demeurera sans doute l’une des représentations les plus inoubliables de l’Arène et que nous en ayons eu la retransmission filmée nous rend vraiment heureux.

Tout d’abord la distribution est dans ligne des souhaits de Toscanini!

Anna Netrebko depuis sa première Traviata au festival de Salzbourg défie les répertoires italien, allemand(Wagner blancs) et russe. Vocalement  elle est incomparable dans la majorité de ses rôles[3]. Car elle est devenue la Superbe Netrebko! Comme autrefois on a pu le dire de Sutherland même si ce n’est pas tout à fait  le même répertoire. La technique vocale, la régularité , l’ homogénéité de la qualité vocale sur tout l’ ambitus qui fait de la progression vers l’aigu une montée céleste.  La capacité de travail, de préparation, la prise en compte psychologique de son personnage…le  timbre prenant, reconnaissable , d’une teinte  et d’un rayonnement scintillant , le  souffle et l’émission absolument parfaits, l’expression , la prosodie accompagnant un sens dramatique naturel et vrais  tandis que scéniquement elle s’impose sans arrogance , d’une présence forte et puissante. Le rôle de Leonora comporte une succession d’airs d’un niveau vocal exceptionnel . Le style encore fortement marqué du “bel Canto “ de Bellini, Donizetti réactivé par la puissance évocatrice ,fortement charpenté par le Verdi de la maturité passant à la puissance supérieure ici après Traviata. Anna Netrebko  après Maria Callas et Raina  Kabawanska  nous montre à l’évidence  l’importance majeure de ce personnage Leonora.  Elle est présente sur toute la longueur des quatre actes et, occupe la scène quasiment à elle seule durant le quatrième et dernier acte. Pour ce quatrième acte au cours duquel elle enchaîne  sans cesse dans l’extase et la   fierté supplications, prière et extase il m’a semblé assister à un miracle!

À ses côtés son époux Yousif Eyvazov tient la comparaison. Lui aussi possède une technique remarquable  avec une quinte aigu bien timbrée et un legato tendu et tenu en parfait équilibre.  Une présence en scène digne du personnage , sans aucune “esbroufe“ pas d’effet de racolage. Ferme, violent et fiévreux mais contrôlé, mesuré .  Son grand mérite est dans sa tenue en scène, comme dans un style vocal au un naturel retrouvé après la préparation et le travail soignés du rôle.

Alberto Gazale ne fera pas oublier Piero Capucilli ou Renato Bruson en Comte de Luna. La voix est très ample pas suffisamment tenue au point qu’elle parait trop large, manquant de souplesse et de nuance voire d’élégance .

En revanche le Ferrando de Riccardo Fassi mérite que l’on s’en souvienne. Voix bien timbrée, agréable et souple et jeu de scène impeccable.

Les choeurs sont toujours superbes à Vérone. Le chef d’orchestre Giorgio Morandi fait pour l’oeuvre et le lieu. Un véritable maestro vigoureux, lyrique et bienfaisant pour les instrumentistes et les chanteurs.

Dolora Zajick Demeure égale à elle même en Azucena. Voix d’airain, aigu fuselé et timbre rutilant. Imparable dans sa determination violente et ravageuse. Sans égale après Fiorenza Cossoto elle est l’Azucena idéale. 

Une soirée inoubliable. À voir et à revoir.

En principe cet enregistrement sortira en DVD.

Vous pouvez faire la connaissance de la plupart des interprètes grâce à You Tube.Également quelques passages de la représentation sur You Tube

Amalthée

 

 



[1] Il mourut en 1852

[2] l’Italie dit l’Arena et nous les arènes. En l’occurence nous maintenons l’Arène

[3] J’oublie volontiers un Macbeth venu de Berlin qui n’est pas pour elle pas plus que pour Domingo!

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Hélène Cadouin
dite "AMALTHÉE"

Tel. 07 88 21 15 46

Mail. contact@amalthee-ecrivain.info

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