Édition vraiment heureuse que le soleil a embellie avec la quasi intégrale des opéras du maître1 en dehors du Ring. Absent depuis trois ans  du programme ce qui fluidifie l ‘assistance du public du  festival le plus couru du monde. Ainsi cela  permet à de nombreux amateurs de trouver de la place au bonheur du dernier moment.

On nous promet en 2020 une  mise en scène de l’autrichien  Valentin Schwarz pour la nouvelle   Tétralogie2 dirigée par Pietrari Inkinen  chef Finlandais officiant à Sarrebruck . Avec , entre autres, le Gurnemanz 3de cette année Gunther Groissböck et la Brünnhilde de Petra Lang actuelle   Isolde , le Siegfried de Andreas Shaeger Parsifal de cette année, pour la deuxième journée éponyme  Stephen Gould l’actuel Tristan pour le Crépuscule des Dieux .Des  habitués de la nouvelle génération  des chanteurs wagnériens.

Tannhäuser

2019 ouvrait donc avec la nouvelle mouture de Tannhäuser ou le Combat des chanteurs de la Wartburg et une mise en scène qui ne laisse pas indifférent de Tobias Kratzer et la direction somptueuse, bouillonnante ,limpide et racée de Valery Gergiev .

Le décor assez fade compensé par la multiplication de l’espace et de l’action au moyen de projections vidéo extrêmement bien tournées et à propos.

Des allers et retours en mouvement constant de l’époque médiévale (costumes)à la nôtre marquent l’ambiguïté , la dichotomie dans laquelle a vécu et vit le poète troubadour Tannhaüser. 

Tannhäuser superbement interprété par le ténor Stephen Gould en ses plus beaux jours. Le timbre légèrement ouaté et cependant clair

Personnage emblématique et double du compositeur lui-même partagé entre le désir  de plaisirs sensuels aux parfums capiteux, ivresses multiples, extatiques et foudroyantes  et  l’amour chaste, sublime , transi du poète s’étourdissant de mots et d’extases inaccomplies.

Ainsi nous le voyons, tour à tour , au premier acte aux prises avec sa passion épuisée de jouissances et lassée  bientôt vidée de tout sens poétique et amoureux suppliant de quitter  Vénus d’ Elena Zhidkova 4vêtue d’une salopette en paillette noire du plus bel effet, parcourir les routes de Bavière en compagnie de deux personnage sortis droit comme vénus du Spectacle forain des rues :Gâteau au chocolat et Oscar   .Vénus est au volant de la camionnette de type H , familièrement appelé le Tube dans les années 60 à 80 du siècle passé. Tannhäuser a revêtu le costume très caractéristique de l’Auguste de cirque, ce personnage de jadis qui survit tout de même , Bèby , Grock puis le grand Popov illustrèrent comme clown rouge. Un mélange de dérision de tristesse profonde et de rire narquois. Une idée extrêmement intelligente, car entre le rêve d’un poète aspirant à l’extase quasi mystique de l’amour -de quelqu’époque qu’il soit- et la réalité d’une liaison sensuelle et sexuelle  débridée brûlante ou de glace, le fossé peut atteindre la dimension d’un gouffre!

Et puis , nous le savons Tannhäuser échappe au délire sensuel sursaturé de Vénus  et revient à ses origines et à son époque le XIIIè siècle .Retrouver sa campagne où chante le Berger au printemps et  son ancienne existence de troubadour aimé de la chaste et noble Élisabeth fille du Landgrave s’avère terrible. Certes il aime  et boit à la source de ce chaste sentiment mais au tournois de chant il hurle un amour dévorant de saveurs impudiques et se fait chasser , désigné d’office pour rejoindre les pèlerins qui à pied partent pour Rome .

Les lieux retrouvent alors un caractère ancien sans date précise sinon les costumes  moyenâgeux.

Une mise en scène qui colle à l’oeuvre , à l’idée de Wagner dont on sait qu’il arpentait les bois et les monts avec ferveur .Un lien avec le destin tragique  du poète saltimbanque qui à un moment de sa vie choisit de se perdre et qui aujourd’hui ferait du stop et dormirait souvent à la belle étoile.

Le ténor Stephen Gould habitué du personnage atteint cette année à l’apogée de sa carrière.À 57 ans la voix en amplitude et largeur s’équilibre à la perfection avec une prononciation et un phrasé subtils et techniquement impeccables. La plénitude du chant et la caractérisation accomplie et transcendée du personnage se fondent à la partition musicale avec force et naturel . Son récit de Rome dans les ultimes minutes de la pièce atteint le sommet de l’émotion et de la sincérité désespérée. Tannhäuser s’effondre comme foudroyé de l’intérieur et parvient à nous donner l’impression qu’il se rédime en un douloureux et immense soupir ponctué d’envolées lyriques extasiées. Ce helden ténor entre peu à peu dans la légende. Wagner remania ctte partition jusqu’à la fin de sa vie. On donne ici  la version de Dresde.5

Face à lui une découverte de choix avec Lise Davidsen, Norvégienne et haute stature, un port de tête noble et souple, l’allure naturelle et souple.   Un disque  récent  chez Decca  nous la présente justement dans le répertoire wagnérien avec la célèbre entrée dans la salle du concours de chant de la Wartburg de Tannhäuser: Dich teure hale .

Trente ans et toutes les facultés et qualités vocale d’un grand soprano . Tempérament, sens du personnage, gaine vocale, passage de registre impeccable quinte supérieure brillantissime. Elle a gagné le Prix Operalia en 2015. Une héritière de la grande Flagstad- même nationalité-quand à la technique vocale et à la densité du timbre dénué de métal et plus moiré qu’ardemment contrasté mais déjà personnel. Son Elsa convainc et bouleverse par le souffle ardent dont elle anime sa prososdie. Elle sait aussi murmurer et atteindre des instant de tendresse impalpables. Son jeu naturel et sa tenue en scène la puissance de son souffle et son énergie vitale nous promettent de belles soirées en perpectives. 

Elena Zhidkova mince , agile et fraîche ressemble à une meneuse de revue. Pourtant quel volume sur le plan vocal! Elle interprète une Vénus pétulante, drôle qui joue avec son personnage et avec les autres selon la mise en scène.C’est elle qui conduit la camionnette Citroên et conduit la cavale du premier acte   Et la voilà sérieuse , attirante, captant l’attention et disant magnifiquement son amour de l’amour en un chant digne des plus grandes . Le souffle, la tension et les nuances psychologiques sont présents . Amplitude vocale et timbre riche Elle a interprété des rôles aussi éloigné que Charlotte de Werther et cette Vénus avec la même capacité d’incorporer le personnage .

En Wolfram von Eschenbach, l’ami de Tannhäuser, Markus Eiche. Belle et ample voix avec une romance à l’étoile très bien chantée . Tout comme le Landgrave de Stephen Milling.

La direction musicale de Valery Gergiev emporte l’enthousiasme sans déborder le flot. Il est lui même Tannhäuser , vit cette partition fabuleusement belle, lumineuse et brûlante dont il porte aux nues les accents et les envolées avec une passion audible.

L’orchestre est toujours composé d’instrumentistes venus de nombreux orchestres européen , les Choeurs également. Dans ce temple , sur cette colline depuis 1876 chaque année le rite wagnérien s’accomplit . Et comme nous le verrons avec la suite il règne ici une atmosphère unique qui apporte un plus à notre ferveur.

Amalthée

La suite avec Parsifal et Tristan la semaine prochaine

1 Tristan und Isolde, Parsifal, TannHaäuser, Les Maîtres chanteurs,Lohengrin

2 Autre substantif pour désigner le Der Ring des Nibelung en français l’anneau du Nibelung

3 Personnage de Parsifal dont nous allons parler

4 elle représente l’amour profane

5 Pour les représentation de Paris en 1861 Wagner fut contraint d’ajouter un ballet au premier acte.

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Hélène Cadouin
dite "AMALTHÉE"

Tel. 07 88 21 15 46

Mail. contact@amalthee-ecrivain.info

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