Capitole de Toulouse

 Il ne viendrait pas  à l’idée des Anglais en général d’omettre de programmer régulièrement leur répertoire musical et théâtral des siècles passés comme  des jours contemporains.

Nous, français savons à peine l’existence de nos compositeurs contemporains… Que dire  du passé ? Et d’Hector Berlioz en particulier quand le seul Festival Berlioz qui fut fondé à Lyon et à la Côte Saint André[1], joue à présent un peu de tout…Mais bien peu de Berlioz.

Ce dimanche 9 octobre le soleil brilla à pleins rayons sur Toulouse.  La salle  où l’on s’apprêtait à voir et écouter Béatrice et Bénédict à peine  occupée au parterre. Tout de même ! L’océan ou la Méditerranée ne sont plus à la température de lézarder ! Et la campagne est certes belle,  mais Béatrice et Bénédicte  se joue rarement. Le nombre de spectateurs cet après midi là n’était vraiment pas à la hauteur de la salle toulousaine.

 

Reconnaissons que pour les habitants de la périphérie les transports en commun pour se rendre au spectacle sont inexistants.

Cela dit, le peu que nous étions ! Nous nous sommes régalés.

Car de l’orchestre aux couleurs vives et contrastées à souhait , au chef d’une main ferme et douce que des chanteurs très bien dans leurs rôles enlevèrent avec enthousiasme  sur un  peu moins de deux heures envolées dans le tragi comique de cette presque farce spirituelle humaine.

Le propos est tiré de Beaucoup de bruit pour rien de W.Shakespeare. L’action se déroule à Messine en Sicile. La  guerre contre les Maures…Nous devrions être au  16 e siècle, le déplacement à notre époque me gène en ce qu’il annihile une grande partie de la signification des échanges entre les personnages.   La fin qui nous suggère que Héro n’épouserait pas Claudio puisqu’elle ôte sa robe de mariée au moment de convoler laisse perplexe… Car les deux couples se marient !

L’ensemble de la direction des acteurs manque de rationnel. Si  elle  ne gène en rien la musique elle est plutôt plate sur le plan dramatique. Les décors sous influence marquée de l’Église sont moroses, reflétant une idée  vague des lieux  de l’œuvre…pourtant la plus spirituelle de Berlioz.

La production nous vient du Théâtre de La Monnaie à Bruxelles, le metteur en scène Richard Brunel est Lyonnais.

En revanche la distribution vocale, de niveau international,  est digne du Capitole.

En Béatrice la mezzo soprano  canadienne Julie Boulianne remporte le succès de cœur. Une voix au timbre personnel, nuancé et de caractère. L’ambitus ample et parfaitement  placé, les attaques justes, les aigus impeccables régulièrement colorés, le médium riche et soyeux.  L’allure, le sourire, l’élégance spontanée et heureuse , elle sait jouer avec la colère réelle ou feinte puis se pâmer avec pudeur d’un sentiment  délicieusement ému , d’une amour  contre lequel elle se défend pied à pied avec une ardeur voluptueuse et un sens de la comédie remarquable. Les accents prenants disent combien elle se délecte du texte et du rôle. Combien elle  aime son personnage et nous l’offre dans toute sa brusquerie, son toupet et sa grâce.

Dès les premières notes, dès le premier passage au dessus de l’orchestre nous devinons tout d’elle et de ce qu’elle sait exprimer. Harmoniques riches, accents séduisants, bouderies, ironie et  méchanceté passagère, le  flux vocal  est musique comme la qualité des passages de registres.

Bénédict, rôle également en contraste et  ambivalence, est assuré avec brio et voix solide par le  jeune ténor madrilène Joel Prieto . Qui remporta le Prix Opéralia. Prononciation du français bien en phase avec  ce rôle très poétique. Il joue bien, avec discernement et élégance. Les aigus sont puissants, le medium large et bien assis. Son expression juste et son timbre quoi que pas encore très personnel en font un chanteur aux charmes certains. Il a un peu tendance à jouer sur son physique et à ne pas s’investir vocalement. Mais on demande à le revoir et entendre dans un défi plus difficile.

En Hero la  séduisante Lauren Snouffer. Musicienne dans l’âme ellesait tout chanter de Monteverdi à Berlioz sans l’ombre d’une difficulté. Son jeu varié et son attention au rôle sont remarquables. C’est un plaisir sans ombre de la voir et de l’entendre.

Également heureuse l’italienne Gaia Petrone  dont  l’éclectisme et la technique vocale est inépuisables. La voix naturellement  dorée  est  virtuose et sensible et l’expression comme la musicalité sont innées. Voici trois chanteuses qui se sont jouées de toutes les facéties de leur personnage avec une aisance et une maitrise remarquables.

Le Baryton Aimery Lefèvre en Claudio nous rend à nouveau visite à Toulouse pour notre plus grand bonheur. Beau timbre et phrasé élégant. Un jeu sobre et expressif. Il répond parfaitement au rôle tragicomique qui lui revient.

On regrette que Bruno Pratico  (Somarone) n’ait plus beaucoup de puissance, il est d’habitude très brillant dans les rôles de baryton comique.

Le jeune chef  italien Tito Ceccherini a conduit l’orchestre avec une maitrise parfaite et fait ressortir les solistes à la manière concertante. Son accompagnement des chanteurs est d’une qualité remarquable et son souffle pour Berlioz d’une efficacité merveilleuse.

Brillant et sensible, lyrique et poète. Il semble chanter avec son orchestre et parler à la fois.

Un régal. Tout y fut de cette atmosphère en demi teintes ironiques et sérieuses que les paroles et la musique nous révèlent. La nostalgie de Berlioz pour l’Italie rejoint la nôtre. Nous étions pour deux heures à peine dans une sorte de marivaudage sur l’amour et la raison, la force des femmes qui déjà rejettent la main mise des hommes sur elles.

Toulouse encore une fois nous a ouvert ses portes sur la poésie et la musique avec un chef d’œuvre de notre grand Berlioz. Les spectateurs présents on marqué leur plaisir et leur bonheur d’entendre une de ses œuvres.

Sur la toile quelques passages sont visibles. Colin Davis l’enregistra en première mondiale dans son intégrale Berlioz.

Amalthée

 


[1] Isère (38) Ville natale de Hector Berlioz Festival fondé par Serge Baudo

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Hélène Cadouin
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