Cet article est publié aujourd'hui en raison d'un oubli indépendant de notre volonté.

Lucerne à la lumière de la musique  sacrée

 Le nom même de la ville vient de lux en latin lumière.

Sans doute ce  festival de musique sacrée tient bien   sa place  dans cette ville de centre de la Suisse, bien que cette année la part de celle ci me semble un peu réduite

En matière de Festival les lieux sont destinés depuis plus de cinquante ans à la musique symphonique  qui désormais  l’été par une  suite fleuve  de concerts agrandit les limites ; presque tout le mois d’août et septembre  désormais.

 

Festival de pâques et musique sacrée donc…  pour la carrure, nous aurons eu  la Messe en H moll de Bach. Aucune  des Passions de Mathieu ,Jean et autre Marc, on pourrait rappeler qu’il existe tout un répertoire italien et allemand ,je pense aux Hasse , Scarlatti… largement fourni dont Lucerne n’a jamais vu la couleur !Harmonique s’entend.

Un en ouverture et trois concerts symphoniques en fin de festival donne la majorité  aux formations et œuvres jouées en toutes circonstances. Pâques même placé aux Rameaux, méritera que l’on garde la tradition, ce serait plus instructif.

Un contre temps m’a privée du Concert d’Abbado avec son Orchestra Mozart (musique concertante et symphonique) et de celui  De l’orchestre des Jeunes de Lucerne.

Ensuite, comme chaque année Harnoncourt s’attelait à une grande période d’Arias de Haendel, Nisi Dominus, Laudate Pueri,Dixit Dominus ,puis  au Magnificat de Bach..

Ce pape du baroque fut comme chaque fois étonnant d’intelligence et d’à propos musical.Le Concentus Musicus de Vienne et les Arnold Schoenberg Chor souvent incomparables.

Par chance, le concert des Kings (chœur et orchestre) qui ont donné deux Requiem en miroir : celui de Michael Haydn et celui de Mozart.

Le Requiem de Michael Haydn fut composé pour les funérailles de l’Electeur Archevêque de Salzbourg Sigismond. Prédécesseur du fameux Colloredo avec lequel le cher Wolfgang (Mozart) eut maille à partir.

Nous avons presque tous une idée assez romantique de ce qui a précédé la composition du Requiem de Mozart et le fameux film Amadeus en a brodé un canevas un peu irritant. Cette poignante partition fut terminée par son élève Süssmayer, cependant  l’ombre tutélaire de Mozart est omniprésente dans sa détermination à ne prier que pour l’auteur de ces lignes tragiques et tissées de tourments, d’aspiration au repos et de courage devant l’au delà malgré la confiance du croyant dont Mozart fut pétri .Et les interprètes ont su s’effacer et pourtant porter l’œuvre à un niveau de grandeur bouleversante qui nous laisse éperdu.

Une  performance  réfléchie pour laquelle chacun a su s’élever très haut. De véritables instrumentistes dosant de la même manière  un éloge et l’honneur de faire revivre de tels chefs d’œuvres.

Grand équilibre des masses sonores encore que le chef s ‘en occupe avec une certaine raideur. Mais  la véritable communion  en  osmose est parfaite des instrumentistes et des voix qui  plonge l’auditoire dans un silence religieux propre à se détacher du réel l’espace de ce concert.

Parmi les solistes la soprano Diana Moore se montre d’une intelligence musicale remarquable  et présente  un timbre et une élocution qui rappellent ceux de  Janet Baker à ses débuts  avec cette douceur des graves pourtant profonds et lumineux et une  élévation des aigus sur le souffle naturel pour que  tout soit  conduit sur un phrasé et une diction irréprochables. La jeune soprano Lenneke Ruiten venait également en remplacement, le timbre fort agréable accompagne les aigus  clairs et francs  Le souffle parfaitement contrôlé demeure  imperceptible et confère à son chant une puissance élégante.

Le chef Robert King domine sa partition avec une maîtrise qui laisse place à   la sensibilité, à la force et à l’émotion.

Nul doute la lumière éternelle et la compassion on dominé dans l’inspiration de ces interprétations en tous points magnifiques.

Autre climat avec Andràs Schiff  qui prend la direction de la Capella Andrea Barca [1]et du Balthasar-Neumann-Chor.

Les chœurs et instrumentistes sont d’une grande qualité. La technique de travail sur instruments anciens atteint  des niveaux d’une richesse harmonique indéniable et la virtuosité  comme le travail sur le son ne laisse jamais indifférent .L’atmosphère et la réalité musicale semblent véritablement recréées pour nous donner à imaginer ce qui put être l’élévation de cette Messe en Si , alors que Bach au cours de vingt années 1724-1748 compose et polit cette œuvre d’une incomparable densité dramatique et d’un élan pathétique. Cette page, en accord avec le rituel nicéen [2] est l’un des dix chefs d’œuvres de la musique sacrée européenne, sinon la plus significative. Lorsque l’on sait que le Duc de Saxe Auguste, protestant, devint catholique pour ceindre la couronne de Pologne .Bach écrit ainsi une Messe catholique tout en poursuivant sa tâche rémunérée pour ses patrons du Consistoire luthérien de Leipzig. Nous sommes à peine cent ans après la fin de la Guerre de trente ans et des traités de Westphalie (1648).Je ne peux qu’admirer cette esprit de tolérance et de compréhension, ce respect des accords : chaque état étant de la religion de son souverain.

Ainsi en 1818 Hans Georg Nägeli dit que cette Messe magistrale  est de son point de vue la plus grande des tous les temps et tous les peuples.

Sur les quatre solistes on peut regretter que le ténor Lothar Odinius bien que bon chanteur  n’ait pas la technique vocale versatile le rendant apte à  la musique religieuse pas plus qu’il ne semble en avoir l’esprit, cette intériorité du sentiment qui projette l’esprit avant la lettre  et fait le chant vous émeut. Il faut admettre qu’Andràs Schiff  ne l’a pas aidé, ses tempos et son accompagnement des chanteurs laisse  certains flottements.

Ruth Ziesak poursuit une carrière régulière depuis une vingtaine d’années .Le timbre anonyme de soprano s’accorde avec une technique correcte qui donne un chant assez neutre néanmoins en place. Britta Schwarz  anime parfaitement ses interventions, son phrasé et sa prosodie sont inspirés et dégagés, la voix porte et le timbre se remarque par des harmoniques de belles couleurs. Son Agnus Dei dernier numéro bien conduit et bien chanté laisse entendre qu’elle fera encore du chemin vers de belles interprétations personnelles.

Cependant la basse Hanno Müller- Brachmann apporte la plus significative participation à cette interprétation et domine les solistes. Le style vocal très équilibré, la prononciation  détaillée-peut être un peu trop parfois-ce chanteur à l’ambitus large et long donne une résonnance puissante aux pages auxquelles il se consacre. Profondément  investi il prie et sa prière importe au delà des mots et de la mélodie et en cela il émeut et convainc ! Nous sommes véritablement pris dans son acte, nous le partageons, car il nous offre cette foi  affirmée : au delà de tout il y a Dieu et la lumière.

À ces solistes le chœur donne l’exemple .Tous professionnels et ensemble depuis 1991[3], ils possèdent leur art avec maîtrise, intelligence et vitalité sans outrecuidance de virtuosité. Des départs au dixième de seconde près, une qualité de timbre sans  faute et une cohérence de chant et d’intonation  qui nous fait entendre les chœurs célestes.

L’orchestre également superbe offre un exemple très réussi de la réunion de solistes instrumentaux de haut lignage, mais sans doute que le chef qui est pianiste de grande virtuosité et de qualité profondes et significatives et un homme  de foi, pêche par le revers de ces qualités ; il ralenti ses  passages sans que l’on saisisse son projet global. Ainsi le Kyrie .Kyrie eleison. Christe eleison. Kyrie eleison le chœur parfois s’est trouvé soit en avance soit en léger dépassement.

De même par moment il ferme mal une phrase finale et tarde sur le départ suivant.

Tout cela étant véniel et nous a donné tout de même deux heures de sublime musique dans les cintres du ciel.

Et puis il y eut le concert surprise à l’Église des Franciscains .On nous annonça  Sandrine Piau et le Concerto Melante, dans des œuvres diverses de Telemann[4] ,Pachelbel et Adam Strungk et si nous avons conservé ce dernier nous avons eu une petite révolution de Palais sur le reste.

Sandrine Piau  ,malade fut remplacée par Christine Oelze qui, elle nous apporta la Cantate de Mariage bwv 202 de J.S.Bach tout en gardant du défunt programme l’Aria de l’Ode à Sainte Cécile de G.F.Haendel.

Le concert fut une fête de la voix, du hautbois et de ces musiciens d’une étourdissante virtuosité sur des instruments qui nous ont semblés sortir d’un tableau de la Renaissance italienne ou d’un Albrecht Dürer.

Deux violons solo qui permutent ,un théorbe impressionnant ,une Viole de gambe, une autre Viole gambe légèrement différente, un petit violon ,un violoncelle un orgue et un clavecin  et le Hautboïste Michael Niesemann sur hautbois ancien venu compléter pour la cantate. Chacun peut donner le départ, pourtant l’impression d’écouter un seul cœur et une seule âme est stupéfiante  et voici l’exemple d’un concert parfait .Les lieux s’y prêtent admirablement, on ne refait pas l’atmosphère  propice à la méditation d’une église de cinq siècles avec les techniques modernes.

Christina Oelze  merveilleusement inspirée et subtile a décliné cette cantate avec toute la virtuosité complice dont Bach, le “bon vivant“ a su parsemer cette pièce semi profane. Michael Niesemann apportant la subtile et tenace mélodie en effet de “porté“ qui a ravit l’auditoire. L’attention n’a jamais baissé  et dans les sonates de Haendel, Telemann, Strungk et Becker ce furent de véritables instants de danses toutes variés à l’infini. Non pas de ces danses vulgaires  destinées à la distraction lascive, mais l’essence sacrée de la danse sa signification de source du bonheur de mouvoir un corps soutenant l’esprit.

Il est des moments inoubliables…celui-ci en est. La rencontre d’artistes inspirés et riches en qualités  avec le hasard de devoir repenser un programme. L’imagination au service de l’urgence.

Pour les deux Concert de l’Orchestre symphonique et du Chœur  de la radio de Bavière .Le commentaire peut être court.

Si l’ouverture Leonore III de  Beethoven défie les bons chefs d’orchestre, je pense, et je ne suis pas seule, que même réussie elle était un peu superflue avant le Concerto pour Violon de Bartók .Pour lequel par bonheur, et ce fut le seul point vraiment positif de ces deux concerts, la très jeune Violoniste suédoise Vilde Frang nous a régalés de son talent exceptionnel.  Une sonorité de rêve sans agressivité ni épaisseur, la souplesse irradiante d’un archet qui semble courir sur des crins d’or et d’opale.

En dehors de ces superbes instants, Marris Jansons semble vouloir nous convaincre qu’il faut un orchestre aux pupitres dédoublés  pour entendre Brahms. Mais bien que l’harmonie et les cuivres de cet orchestres soient d’une qualité d’interprétation en tous points digne d’éloge, je ne comprends pas pour quels motifs il faille un orchestre tonitruant pour jouer la quatrième (30 mars) et la deuxième (31 mars) symphonie de Brahms.

Lorsqu’il est à la tête de l’orchestre philharmonique de Vienne

(1er Janvier 2012), Marris Jansons a su élever son discours et nous retrouvions les nuances et les rêveries, les affects et le plaisir partagé.

De ces deux concerts de Marris Jansons où se trouvait la Messe glagolitique de Janacek, je retiens surtout une montée en puissance du ton .Il me semble que la noyade sonore est proche et véritablement cela parait aux antipodes de tout discours musical ; de quelque soit l’œuvre.

Un bon crû pour la musique sacrée et l’essentiel est sauf. Pour le reste le dernier concert, celui de  Bernard Haiting avec Maria Joao Pires fera l’objet de l’article suivant ;

Amalthée

 

 

 

 



[1] Ensemble qui fut fondé par Andràs Schiff pour l’interprétation de l’intégrale des Concertos de Mozart par lui même. Du nom d’un musicien florentin qui rencontra Mozart à Poggio Imperiale vers 1770 et dédia sa vie à l’interprétation de ses œuvres tout en composant lui-même .Il vint à Salzbourg y joua Mozart.   

[2] Du Concile de Nicée (325 A.J.C)

[3] Fondé par Thomas Hengelbrock

[4] Melante étant anagramme de Telemann formé par des instrumentistes de la philharmonie de Berlin

 

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Hélène Cadouin
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