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  Parsifal

 

 

 

 

 

 Ultime accomplissement de l’œuvre de Richard Wagner

 

 L’opéra de Zurich a donné six représentations à guichets fermés de Parsifal.  Les cercles Wagner y étaient représentés en force. Richard Wagner et la Suisse tissèrent des liens très étroits, c’est à Zurich  que le jeune Kapellmeister se réfugie en 1849 après les émeutes et la révolution de Dresde. Il y vécut neuf années  dirigea de nombreux concerts écrivit une partie de son œuvre. Lors de son second mariage il vécut à Lucerne et sa villa est  un musée dédié entièrement à sa vie et son œuvre.

 

 Il apparaît de plus en plus clairement  que pour saisir la magie ou même plus simplement l’intérêt de rencontrer l’œuvre de Wagner, une initiation, si limitée soit-elle s’avère nécessaire.

 

 

J’aimerais, alors que nous sommes en période de Carême, donc avant le temps pascal, vous guider un peu dans ce qui  apparait comme le labyrinthe wagnérien. En réalité Parsifal est bien un achèvement  magnifique et nul n’imagine que Wagner aurait “oublié“ d‘écrire un chef d’œuvre de plus, tant l’ultime pierre de l’édifice  l’accomplit.

 

Parsifal “der reine Torr”,  que l’on traduit par pur et simple, innocent. [1]Ne sait plus d’où il vient, ne connaît pas bien son passé. Il débarque au pied de Monsalvat, château, forteresse et pays. Là où régna Titurel qui s’est retiré au profit de son fils Amfortas. Amfortas blessé in guérissable .Tous deux Rois et chevaliers. Tous deux à la tête du château forteresse  destiné à abriter le Graal. Les autres chevaliers  vivent et attendent  à des périodes scandées que le roi découvre le Graal de son coffret pour être régénérés et poursuivre leur saint office.

 

En un temps reculé Klingsor, ancien chevalier du Graal, jaloux et orgueilleux s’est mutilé et enfui afin de dérober la place de Titurel, puis d’Amfortas. Il a construit un lieu de délices et de perversion afin d’attirer les chevaliers,  les pervertir et les tuer.  Il utilise  une femme superbe, Kundry,  de personnalité double, tantôt au service des chevaliers de Graal, tantôt séductrice irrésistible dominée par Klingsor. Amfortas  a chuté aux filets de l’amour charnel chez Klingsor. Mais parvenu à s’enfuir blessé il a rejoint Monsalvat où il survit en prenant des bains chaque jour, bien que sa blessure ne se referme jamais. La Lance d’Amfortas est demeurée aux mains de Klingsor.

 

Lorsque Parsifal arrive devant Gurnemanz et les autres chevaliers, nul ne sait reconnaître dans ce grand dadais qui vient de tuer un bel oiseau blanc, celui qui en apposant la lance perdue, par Amfortas guérira la blessure. Donc rédimera la faute.

 

Le Graal apparaît donc le but de toute vie bien accomplie sur le plan individuel et spirituel. Parsifal arrivant à Monsalvat au premier acte, est au début de son initiation. Le  long périple qu’il accomplit est vécu avec l’écoute de la musique de Wagner.

 

Le drame s’achève alors que Parsifal devient à son tour le souverain gardien du Graal. Comme la prévision  en a été faite aux Chevaliers.

 

Mais revenons un peu en arrière, pour permettre au plus grand nombre d’étendre leurs connaissances.

 

Le 26 Juillet 1882 voit la création de Parsifal “Festival scénique sacré“[2]  au théâtre de Bayreuth fondé par Richard Wagner.

 

Wagner interdit de représenter l’œuvre –en d’autres théâtres-durant les vingt années suivant son décès (Février 1883 à Venise).

 

 Deux motifs : Parsifal ne doit pas être considéré comme un divertissement  lyrique. Ensuite et surtout afin d’assurer à sa famille des revenus valables   durant une longue période.[3].

 

Une première particularité : l’exécution  peut se dérouler entre  Trois heures trente neuf minutes (Pierre Boulez à la direction (Bayreuth 1970) et Quatre heures quarante huit  (Arturo Toscanini, Bayreuth1931). Renseignements donnés par le calendrier des exécutions de la collection de la villa Wahnfried à Bayreuth.[4]

 

D’autres chefs comme [5]Klemperer, Karajan, Cluytens, Knappertsbusch, Levine, prirent des tempi à leur mesure. Étant observé que la durée  du premier acte, principalement  déclenche la durée de la représentation générale des trois actes.  Ainsi  ilse déroule entre  une heure quarante, et  l’avancée dynamique  sera allante, et   deux heures ; l’affirmation d’une réflexion profonde, primant  l’action.

 

 

 

L’oeuvre de Wagner dans son quasi totalité évoque le rapport de l’homme à la nature.

 

Parsifal  est fils de chevalier –Gamuret-mort alors que l’enfant est à naitre, mais ignore ses origines. Seule sa mère Herzeleide semble avoir veillé sur une enfance de coureur de bois et chasseur. Ce qui pouvait être et ne le réduit pas à la position de vagabond ou serf, dans un pays dévasté par les conflits de peuples et la période trouble des Croisades. Il est le Chaste Fol qui devra tout apprendre par expérience et épreuves[6]  avant de rédimer Amfortas et ainsi prendre place parmi les chevaliers gardiens du Graal, pour devenir le nouveau souverain de cette caste de chevaliers[7]. Le thème de la quête du Graal [8] est le sujet de tout un pan de la littérature européenne du Haut Moyen âge. Tout se déroule dans un lieu lointain. Ce que nous savons en wagnérien averti depuis Lohengrin (1850).

 

D’après ses écrits nous connaissons l’amour que portait  Wagner à la nature, il fut un grand marcheur, nous dirions aujourd’hui randonneur. Une immense part de son inspiration vient de là. L’autre de ses lectures, de sa passion pour le  Haut moyen âge et  l’art des trouvères et troubadours. En allemand Minnesänger dont nous fîmes la connaissance avec Tannhäuser (1842)[9]

 

Parsifal ultime composition tire son argument du poème en vers, épique  et courtois de chevalerie, Parzival écrit en Haut allemand, Perceval dans la tradition littéraire du Roi Arthur.  L’auteur  Wolfram von Eschenbach né en Bavière près de Ansbach, vers 1180 compte comme  l’un des  principaux Minnesänger. Nous savons cela aussi par l’œuvre la plus emblématique de Wagner Les Maîtres Chanteurs de Nüremberg (1862)

 

Lorsque Richard Wagner  achève Parsifal, ses forces ont sérieusement décliné, il s’éteindra à Venise au Palazzo Vendramin le 13 février 1883.

 

 



[1] Adolescent élevé loin du monde courant doté d’intelligence mais qui attend instruction et éducation.

 Doté [2] Sous titre original (de R.W) en allemand : Bühnenweihfestspiel

[3] La question des droits d’auteur ne sera correctement résolue qu’à partir de Richard Strauss et se collègue à la fin du XIX° et début du XX° siècle.

[4] Villa familiale construite à Bayreuth par le compositeur et siège de la fondation du même nom

[5] Non limitatif

[6] Sens initiatique du terme

[7] Nous devons remonter l’histoire, Lohengrin est le fils de Parsifal

[8] Vase dans lequel Joseph d’Arimathie aurait reçu le sang du Christ conservé en un lieu secret par les chevaliers du Graal

[9] Cinquième opéra de R.W et son premier grand succès.

 

 Au pupitre de cette interprétation , la Dame et chef d’orchestre d’origine australienne Simone Young.

Une dame au pupitre ! Oui enfin , elles sont désormais sous les projecteurs et estimées du public comme des musiciens . Simone Young  célèbre dès sa jeunesse d’enfant violoniste virtuose  fut à la tête de l’opéra de Hambourg (Allemagne) au cours des année 2005 à 2015, après avoir été en place à Bergen et Sydney. Sa présence à la direction du Ring[1] tant à Vienne qu’à Berlin comme chef invitée  augurait une interprétation de caractère de ce Parsifal d’exception.

 

L’orchestre de l’opéra de Zurich fut amené à son point d’excellence de timbres solistes à tous les pupitres, tandis que les cordes se révélèrent d’une onctuosité et d’une intensité parfaites. Superbe interprétation ,homogène et généreuse que le public a salué debout.

Trois heures quarante pours le premier acte. Une direction active, abondante, serrée sur son sujet. D’une prégnance absolue sur l’auditeur.

Simone Young avance et créé les climats comme les différentes marches de l’action avec  les pauses, les récits et prières en les agrégeant délicatement,mais en puissance les uns avec les autres. Et cela sans hâte, bien que son temps soit  rapide. Tout s’inscrit à la fois dans l’intensité  poignante des situations du passé alternant avec les faits se déroulant sous nos yeux. La musique demeure omniprésente, nous tenant puissamment rivés à elle et  nous interrogeant, nous auditeurs. Et ces cent minutes malgré tous les paysages et les sentiments et actes évoqués, du passé au présent  sont vocaux et musicaux, intensément. Donnant l’impression de jamais devoir s’achever.

Rarement  la montée de Parsifal au Monsalvat avec ses effets de cloches géantes semblant venir de l’au delà n’aura eu autant d’effets magiques. De même “l’enchantement du Vendredi saint“   nous est parvenu de très loin et repartir vers l’infini. Simon Young, inspirée et lucide, a porté ce drame sacré avec toute la sensibilité, l’énergie, le caractère,  la  grâce souveraine et l’amour d’une œuvre transcendante, sans pathos surajouté. Elle lui a donné l’expression de son mystère et son esprit de renouveau permanent qui est l’apanage des œuvres de Wagner. Cette dame nous a bouleversé de tant de beautés réunies sous sa coupe, qu’elle signe avec ce  Parsifal , sans doute une  page essentielle de sa superbe carrière.

La mise en scène  de Claus Guth et les décors et costumes de Christian Schmidt en collaboration avec Aglajat Nicolet plante un lieu unique. Un immense bâtisse d’une couleur blanc cassé dont l’architecture, sorte de castel sicilien baroque tardif, permet des changements à vu de pièces et de jardins.

Les chanteurs acteurs évoluent  aisance et  naturel dans  un rapport de la scène à la fosse dynamique et cohérent.

La distribution de premier ordre nous offrait, magique et superbe tentatrice et servante, la  Kundry  de Nina Stemm[2]. Voix nuancée, irradiante, capable de tension et de passion illimitées comme  de douceurs glissées sur la musique en caresses.  Dotée d’une quinte aigue semblant  aller  illimitée elle a donné une magnifique interprétation tant par la prononciation que l’élaboration d’une prosodie impeccable soutenue par une musicalité vocale innée. 

Face à cette Kundry exceptionnelle le Parsifal de Stefan  Vinke  est d’un

caractère trempé . Capable des nuances pointues de ce rôle et  plus détendu qu’à Bayreuth cet été[3], il établit avec intelligence  le dédoublement, l’évolution de son héros, ses épreuves initiatiques  sans aucune difficulté. Le timbre jeune, la ligne gainée, solide et claire, la prosodie et le phrasé expressifs et élégants, sont du Tenor héroïque allemand parfait. La diction est tenue neutre au début de l’acte un, progressant sur le parcours, accomplissant  la métamorphose du Reine Torr   en Parsifal ; celui qui prend possession du royaume. Stefan Vinke signe ici une interprétation maîtrisée tant sur le plan vocal, musical et scénique.

Le Gurnemanz, rôle très prenant et de longue présence, de Christof Fischesser, nous a impressionné par sa présence, son empathie et une diction énergique et nuancée. Il s’implique  avec un dynamisme et un à propos souverains dans son récit et ses interventions. Le timbre de basse, l’expression musicale idéale et chaleureuse donne tout son relief à ce rôle clé du drame. Gurnemanz porte le “dire“ des chevaliers, il doit accueillir, instruire l’éventuel être providentiel capable de rédimer la faute d’Amfortas.   Christof Fischesser en a créé un véritable modèle par une interprétation moderne et efficace.

Excellent Klingsor de Whenwei Zhang. Originaire de Chine, ayant acquis une somme de connaissances de la culture européenne considérable, il campe ce personnage violent et douloureux à merveille. La voix stable, expressive convient parfaitement à ce genre de rôle très tourmenté.

Lauri Vassar, baryton -basse, artiste de grand talent. Une  connaissance que nous aimons toujours entendre et revoir, donne d’Amfortas l’image, personnalisée, réaliste du désespoir et de l’abandon irrémédiable. Musicalement et vocalement impeccable.

 Titurel[4] rôle très court,  interprété de façon remarquable  par Pavel Daniluk  complète une distribution de rêve.  

 



[1] Les quatre Or du Rhin, Walkyrie, Siegfried et Crépuscule des Dieux de Richard Wagner

[2]  Soprano dramatique au mezzo très étoffé. L’une des grandes sopranos de notre époque.

[3] Voir les articles sur le Ring ‘septembre 2017)

[4] Père d’Amfortas

 

"Il est possible que le livre soit le dernier refuge de l'homme libre.

Si l'homme tourne décidément à l'automate, s'il lui arrive de ne plus penser que selon les images toutes faites d'un écran, ce termite finira par ne plus lire. Toutes sortes de machine y suppléeront.

Il se laissera manier l'esprit par un système de visions parlantes; la couleur, le rythme, le relief, mille moyens de remplacer l'effort et l'attention morte de combler le vide ou la paresse de la recherche et de l'imagination particulière; tout y sera, moins l'esprit.

Cette Loi est celle du troupeau."

André Suarès 1920

Hélène Cadouin
dite "AMALTHÉE"

Tel. 07 88 21 15 46

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