Chorégies  d’Orange

Le vaisseau fantôme

 L’évocation de cette œuvre, lors de mon article de présentation donnait large  part à la tempête  vécue par Wagner  lors d’une traversée en mer du nord.Les  Chorégies d’Orange, en  cette année Wagner  nous ont fait  embarquer pour deux heures quinze minutes d’une  croisière en flot musical vocal et poétique continue d’une fantastique chevauchée. Fantastique et fantasmagorique.

 

 

L’immense plateau, la hauteur  du célèbre mur d’Auguste, la résonnance à la fois acoustique et atmosphérique des gradins du théâtre  permirent la réalisation de la fresque théâtrale et musicale  gigantesque et abyssale du  Fliegende  Holländer…Le Vaisseau fantôme de Richard Wagner. Tous les éléments en présence ayant été accordés avec un esprit de discipline et de poésie fidèle à la lettre qui cependant laissa à chaque interprète sa capacité imaginative de lecture et de recréation.

Ici,  point n’est nécessaire “d’intellectualiser“. Nous sommes dans le concret, dans l’eau et le vent. La dure existence qu’imposent les éléments comme la force impitoyable de la légende et du mythe s’imposent et se superposent  à la vie du simple “humain“…ballotté ou en attente de l’être. Le goût et la passion de l’irrémédiable dominent .La vie, l’amour et la mort s’échangent au fil d’une espèce de grande fête qui penche tantôt vers des instants de poésie, tantôt prend le tour de beuverie et de danses débridées et diaboliques.  L’homme, la femme tels qu’ils sont dans la fragilité de leur destin.

La proue du haut navire appuyée de bâbord  sur les deux tiers de la hauteur du mur  pointe levée, ancre haut ,corps déclinant sur l’arrière vers les coulisses .Masse d’un gris touché de rouille marron .

Rarement mise en scène et orchestre ont navigué dans de telles  et idéales conditions .L’usure des siècles corrode le monde du Hollandais, on aura cependant ce passage idyllique au cours duquel Senta et son entourage donnent le change…Petite flamme vacillante dans cet ouragan qui emporte les rêves d’enfant.

Des  éléments  naturels déchainés  le chef d’orchestre Moko Franck à la tête du Philharmonique de radio France nous en a donné une lecture absolument stupéfiante de rigueur, d’amplitude et de lyrisme conjugués.

J’ai entendu Thielemann à Bayreuth l’année dernière... Mais ce que Miko Franck nous a donné à entendre était  puissant,  convainquant du fond de l’être, viscéral et plus irrémédiable. Il se dégage de son orchestre  une sensation de non retour et de jamais entendu à la fois. Chaque instrumentiste …je pense au cuivres, au corps d’harmonie va à l’extrême des possibilités et les cordes répondent comme soudées par les éléments…Une impression d’extase permanente et de rage heureuse prend tout le monde public compris.

Tout dans la mise en scène  vient abonder à l’impression d’unité, Les masses de population, de marin que son les  Chœurs se meuvent sur scène comme par enchantement et parfois semblent glisser.

Le Hollandais campé par Egils Silins paraît dans un costume d’un autre temps, une coiffure   ayant traversé les siècles ,la face émaciée de celui qui a longtemps attendu , espéré ,souffert  !La  composition de personnage dans son allure et sa tenue de scène  est  exceptionnellement bien campée, le chanteur  possède une voix ample et de qualité ,aux harmoniques un peu faibles , mais la diction et la parfaite tenue du rôle compensent ce manque de couleur. Le caractère, sa détermination à en finir à tout jamais sont parfaitement inscrits dans son interprétation.

Anne Petersen est une Senta de grande classe, habitée par son rôle dont elle n’accuse aucun travers, ni enfantine ni foncièrement désespérée .La voix est solide et claire.

Marie Ange Todorowich donne de Mary une image forte et directive. Très beau chant dominant et suave, à la technique parfaite se mariant avec l’orchestre et les chœurs avec panache. Ses interprétations sont toujours naturelles et intelligentes.

Endrik Wottrich a trouvé avec le personnage d’Erik son accomplissement. La voix de ténor rude et torturée, pauvre en nuance, trouve ici sa place. Physiquement il tient bien le rôle de l’amoureux lourd et désespéré, également.

Un atome de succès de plus pour le Daland de Stephen Milling. Cette basse  sonore large et dense aux accents d’une luminosité irradiante nous a donné un  Gurnemanz exceptionnel à Salzbourg en Avril, le voici dans un personnage de bon vivant en pleine effervescence, jubilant…Et veillant au grain comme un bon bourgeois travailleur.

Un grand bravo pour les Chœurs de Angers Nantes opéra à leur tête Sandrine Abello, ceux du grand Avignon Aurore Marchand les dirigeant et Alfonso Caïani à la tête de ceux du Capitole de Toulouse. Une parfaite entente et une synergie des voix absolument superbe.

Splendide et remarquable mise en scène de Charles Roubaud .Il a su coupler la folle et terrifiante légende avec l’esprit de constant renouvellement des mythes. Pour lui Senta est une poupée  imaginative et une femme en attente et désir de  grandir, de comprendre, elle se lance dans le grand flot du mal de vivre ,du génie et de l’homme à la recherche de son salut.Imprudente et fofole.

Le monde qu’il nous présente a la rudesse et l’authenticité brutale des ports sous tous les horizons, avec sa part de beauté, de laideur de rêve et d’angoisse.

Un fantastique réussite. Un spectacle, une représentation et une interprétation digne de Richard Wagner.

Amalthée

 

Dommage, grand dommage que ce ne soit pas ce spectacle qui ait fait l’objet d’une vidéo. Mais les édiles télévisuels n’ont jamais rien compris à l’art véritable ! Ils ne sont bons que pour le football ! C’est bien connu.

 

 

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Hélène Cadouin
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